Par S@m
D’emblée, lect(eur/rice), sache toi invité à commenter les deux articles suivant sur Jacques Brel, non comme des commentaires sur Brel, mais la manière de raconter Brel, n’importe quelle personnalité ou personne.
Brel, polyamoureux ?!? Brel ?
Un homme dont plusieurs femmes ont partagé sa vie… Plusieurs femmes ?!? De multiples relations ? Poly… De multiples relations qui semblent pour les principales avoir été vécue ouvertement, dans une ouverture somme toute proche de celle au travers duquel se définit le polyamour ici ou là.
Le relais de ces articles n’a pas pour but de s’immiscer dans la vie privée de Jacques, mais d’ausculter la manières de raconter la vie de Brel et peu importe en fait qu’il s’agisse de Jacque Brel.
Un couple, l’un dit :
“J’ai une manière d’aimer qui est abominable.”
A laquelle l’autre semble répondre en écho :
“Dès le début, j’ai su qu’il était comme ça.”
Le public aussi l’a toujours su, mais il ne semble jamais avoir voulu savoir ce qu’il l’a toujours su. Et c’est là que cela devient intéressant de s’attacher à la manière de raconter une personnalité telle que Brel, plutôt qu’à Brel même. Quelque part, la manière de raconter la vie des personnalités, nous en apprend autant sur la manière de raconter nos personnes et de se donner une histoire.
Cette manière de raconter Brel, raconte somme toute l’histoire d’un séducteur qui “passe son temps à batifoler” ainsi que l’histoire d’une mère au foyer en “totale dévotion” à la limite de la bigoterie d’une groupie qui sombre dans l’idolâtrie de sa star de mari. Passons ce que cela laisse au public comme langage pour se donner une histoire propre pour se concentrer sur l’impression caricaturale, mais rassurante des exagérations propre à toute caricature.
Que masque cette exagération ?!? Que masque cette exagération propre à la caricature ? Grand Jacques !?! Les exagérations de Grand Jacques ! Ses exagérations ?!? Ses exagérations ?
“Car enfin nous devrions nous détester […] j’ai ce que les sots appellent de “coupables faiblesses”…” Où est l’exagération ?!? “Il a été été d’une honnêteté infinie avec moi. J’ai toujours tout su. On a trouvé une façon de vivre à nous et on ne s’est jamais disputés.” Où est l’exagération lorsque Miche répond des dites “coupables failbesse” de la sorte ? Comment ne pas plutôt pressentir ce talent, ce talent qu’il faut pour “devenir vieux sans être adulte”, ne pas céder à cet air fameux connu d’entre tous les adultes, l’air de la bêtise des querelles adultères ?!? Comment ne pas pressentir un art “où des hommes et des femmes réinventent une nouvelle conjugalité” [1] dans cette façon bien à eux de vivre qu’ils ont trouvé ? Oh, Miche n’y aurait pas pensé si Jacques n’y avait pas pensé, mais Jacques ne l’aurait pas trouvé avec Miche, Suzanne, Sylvie, Marianne ou Maddly si ni l’une, ni l’avait pas joué avec lui à déjouer ces jeux d’adultes, à commencer par Miche : disputes et divorce, divorce qui tenaillait d’inquiétudes les pensées de Jacques, inquiétudes de rendre Miche malheureuse, inquiétudes qu’elle soit malheureuse, inquiétudes où Miche semble avoir trouvé assez d’attentions pour être heureuses.
Où sont là les exagérations du Grand Jacques ?!? Du grand Jacques qui ne connaît rien de l’amour ? Une forme de polyamour ?!? Une forme de polyamour que “”que certains ne peuvent pas comprendre.” Même pas eux, quelques fois.”
J’ai peine à reconnaître le poète de mon enfance sur le vieux phonographe des mes grands-parents dans cet homme, mais je n’ai aucune peine à imaginer son abomination, son abomination de lui-même et les inquiétudes qui traverse ce sentiment d’abomination, l’abomination de l’innommable. Découvrir que l’amour n’est pas immuable, qu’il mue, qu’il n’appartient qu’à soi que sa forme change, qu’il change de forme pour des formes sans noms, des formes nouvelles encore sans noms et fatalement difformes par rapport aux formes anciennes.
Nouvelles ?!? De nouvelles formes d’amour(s) ?
Dans les années 50, les moeurs amoureuses et sexuelles en dehors de la vocation partentale du couple hétérosexuel monogame étaient quasi innommables, affublées d’abominables noms. Aujourd’hui, homosexualité et bisexualité deviennent des sujets de plus en plus courants dès l’adolescence et de mieux en mieux socialement acceptés. Reste qu’aujourd’hui, les émotions, passions et les sentiments ne le sont guère davantage que dans les années 50 et n’ont pas connu la même émancipation que la libération sexuelle. Physiquement libre, mais à peine plus libre psychiquement. Ainsi le polyamour ne fait son apparition que dans les années 90, soit bien après celui de la libération sexuelle et la libération des genres sexuels des années 70. Certes, tout comme l’homosexualité et la bisexualité, tout cela ne date pas d’aujourd’hui comme l’atteste le libertinage, mais un libertinage qui tient davantage de la liberté sexuelle que de la liberté d’expression des émotions, passions et sentiments. Et c’est bien là, que la présence de Suzanne Gabriello, de Sylvie Rivet, de Marianne et Maddly Bamy aux côtés de Miche n’a rien de commun avec le libertinage tel qu’il s’entend de nos jours.
Brel, polyamoureux ?!? Brel ?
En tous cas, le personnage qu’en dresse la presse – ici, Télémoustique – a tendance à entretenir l’image du séducteur aux “coupables faiblesses” qui batifole d’aventures en aventures et dont la plus “coupable” de ses “faiblesse” semble de ne pas avoir su choisir entre ses aventures et sa femme… comme si… il ne pouvait et ne devait y avoir eu qu’une et une seule femme dans son histoire. Ces articles dans Télémoustique n’en reste pas moins honnêtes, mais d’une honnêteté timorée. Il s’y lit l’histoire d’un homme aux multiples maîtresses, maîtresses qui ne sont pas appelées en tant que telles “maîtresses”, mais “femmes” pressentant bien qu’il ne s’agit pas d’adultère, “maîtresses” et “amants” appartenant au registre de l’adultère. Télémoustique ne cède pas à ce registre, mais n’arrive malgré tout pas à en sortir faute d’un autre registre comme si, faute de cet autre registre, l’article restait sur le pas de la porte du registre adultère sans vouloir la franchir, mais sans savoir à la porte de quel autre registre que l’adultère frapper. De fait, ce n’est pas la porte de l’adultère que Jacques Brel semble avoir franchi lorsqu’il écrit en 1970 à Marianne :
“C’est la première fois que j’aime en liberté…”
Amour ?!? Liberté ? Deux valeurs morales au centre de nos modes de vies et de nos moeurs occidentales, mais incapables de partager le même centre comme si le centre de gravité de l’une et l’autre s’excluait mutuellement comme deux pôles opposés. Les femmes qu’il a connue furent-elles réellement en dessous de l’amour, de l’amour dont il rêvait ou est-ce le langage amoureux de leur époque commune qui était en dessous de leurs amours lorsque ce langage n’offre que l’air adulte des querelles d’adultères ?!? Le registre de Brel ne semble-t-il pas justement vouloir changer de disque ?
D’autres manières de raconter la vie d’une personnalité, c’est avant tout d’autres manières de donner une histoire à nos personnes et ce que le récit public de la vie d’un Brel semble ne pas oser s’avouer, c’est qu’il n’y a pas que le registre de l’adultère pour donner sens au fait qu’une personne puisse avoir plusieurs relations amoureuses en même temps.
“Ne me quitte pas !”
Pour Brel, “C’est l’histoire d’un homme râté et d’un con. Cela n’a rien avoir avec une femme.” Pour Brassens, ami de longue date, A l’ombre des maris : “… le mari me supplie : “Ne me quitte pas !” La presse s’est toujours intéressée aux autres femmes de Jacques Brel, jamais aux hommes qu’aurait pu avoir sa femme comme si Miche Brel, dont le personnage moins public semble moins se prêter à ce que Les trompette de la renommée lui réclame des comptes, était restée “dans l’ombre de son mari”. Jacques a-t-il laissé Miche aussi libre qu’elle a laissé Jacques ?!? Si oui, Miche a-t-elle pris cette liberté d’autres que Jacques ? Peu importe, cela m’amuse d’imaginer Brassens garder les filles de Brel et l’un comme l’autre tente de changer de disque.
Cela m’amuse et cela change déjà de disque.