extrait de : J-C. Guillebaud, “La tyrannie du plaisir”, Editions du Seuil, 1998 (p 322)
Depuis des sciècles, la licence sexuelle apparaît soit sous la forme d’une revendication dirigée contre l’ordre établi, soit comme une revanche prise au lendemein d’un éffondrement politique. La chine ancienne a connu des mouvements clandestins à connotations sexuelles qui faisaient de la débauche une arme politique. On signale, à la fin de la dynastie Han, au IIIème sciècle de notre ère, plusieurs révoltes taoïste inspirées par un mysticisme sexuel de cette sorte, notamment celle des “Turbans jaunes” ( hoang-kin), qui fut noyée dans le sang mais précipita la chute de la dynastie.
Ces “mystiques” s’inspiraient d’un traité, le Livre Jaune (Huang-chou), où l’on considérait la débauche comme “l’art véritable d’obtenir l’essence vitale”. Dans les sciècles suivants, et jusqu’au XIXè, la Chine connaîtra d’autre flambées d’utopie sexuelle. Un édit impérial de 1839 fait allusion à l’un de ces mouvements religieux, une secte appelée K’oen-tan.
Seuls y sont admis les hommes et les femmes qui pratiquent en couple les disciplines amoureuses prescrites. “Ils se réunissent le soir, ils sont nombreux dans une seule pièce, et les lampes ne brûlent pas. Alors, ils ont un commerce charnel dans l’obscurité.”
Cette tradition de subversion obscène est si profondément enracinée dans l’histoire de la Chine qu’il lui arrive de réapparaître aujourd’hui encore, en plein XXè siècle. A la fin de 1950, la République populaire maoïste s’efforça de combattre une secte secrète taoïste appelée Yikoan-tao.
Ses membres s’opposaient au régime communiste et sacrifiaient à des rituels orgiaques. A leur sujet, R. van Gulik cite le journal Koang-ming-je-pao, daté du 20 novembre 1950. “Les chefs de cette secte, ces lubriques éhontés, y est-il rapporté, orgnisaient “un concours de beauté” avec des membres féminins de la secte, et pendant les “classes d’études taoïste”, incitaient les membres à se livrer au commerce charnel dans la promiscuité, promettant aux participants l’immortalité de l’affranchissement de la maladie.” [Robert van Gulik, la Vie sexuelle dans la chine ancienne.] Doit-on rappeler enfin que, durant le “printemps de Pékin” de 1989, des dazibaos réclamant une open sexuality ornaient les murs de la place Tien-an-men investie par les étudiants en révolte ?