Par Vincent Cespedes
Isadora Duncan dresse ce bilan dans Ma vie :
« Chacune de mes histoires d’amour aurait pu faire un roman ; elles se terminèrent toutes mal. J’ai toujours attendu celle qui se terminerait bien, ou plutôt qui durerait toujours, toujours — comme au cinéma. »
Isadora Ducan « Amour, toujours » : la plus illustre rime de la langue française. Les partisans de l’Amour-toujours — ces « romantiques » autoproclamés, ces « Je-sais-que-ça-n’existe-pas-mais- je-veux-y-croire-quand-même » — seraient-ils victimes d’une rime hasardeuse ?
Ouvrons les yeux, parlons à ceux de nos aînés qui ont su aimer autrement que fanatiquement… Combien de Prince Charmant, hors cinéma ? Aucun ! Et c’est tant mieux, car ce vide ouvre la possibilité d’amitiés amoureuses, d’amours plurielles et libres, jouant sur toute la palette des émotions joyeuses qui ne peuvent se cristalliser sur un seul être sans dépérir.
mmmh !!… En finir avec l’Amour-toujours, c’est comprendre, avec Erich Fromm, que « l’amour ne commence véritablement à s’épanouir que lorsqu’il s’attache à ceux qui ne remplissent pas une fonction à notre égard » (L’Art d’aimer).
Ce qui signifie que l’amour véritable n’attend rien de l’autre, ni bénéfice, ni rôle de Prince Charmant. Il est gratuit, curieux, tendre, gourmand, libérateur.
Au lieu de ça, le sinistre mythe de l’Amour-toujours confond amour et propriété. Sous son influence, j’attends de l’autre qu’il remplisse la fonction suprême : être « ma moitié ». Comme tue-l’amour, on ne peut pas trouver mieux !