de Paule Salomon – Edition InterEditions 2002
Au XXIe siècle la fidélité n’est peut-être plus la vertu que l’on croit, source de bonheur et de stabilité, mais plutôt une peur de s’ouvrir aux autres, de s’autoriser le désir et l’affirmation de soi. Et l’infidélité, ou la polyfidélité, peut se concevoir non plus comme ce fauteur de trouble dans la paix conjugale mais comme une fidélité à soi-même, à concevoir celle de l’autre, et à être en accord avec soi.
Paule Salomon explore, au travers de nombreux exemples puisés dans son expérience de thérapeute, ce continent noir et secret de l’intime et de la passion, du désir et de la jalousie. Elle tente de répondre aux questions cruciales que pose toute relation amoureuse : le fait de vivre en couple est-il synonyme d’exclusivité sexuelle, l’amour est-il monogame, tout engagement est-il synonyme d’aliénation ?
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Il en ressort une vision dynamique et inédite, loin des préjugés et de la culpabilité, mettant l’accent sur la liberté, l’attachement, le partage et la quête de soi.
Héritiers de représentations ancestrales où la domination masculine était la norme, nous vivons encore sur les clichés des relations amoureuses et conjugales basées sur la fidélité, la fidélité de la femme surtout, épouse et mère au foyer tandis que l’homme pouvait entretenir des liaisons hors mariage. Mais la fidélité n’est peut-être pas la vertu qu’on croit mais plutôt une peur de s’ouvrir aux autres, de s’autoriser le désir et l’affirmation de soi. Et l’infidélité, ou plutôt la polyfidélité, peut se concevoir comme une fidélité à soi-même, à concevoir sa liberté et celle de l’autre et à être en accord avec soi.
A travers de nombreux exemples puisés dans son expérience de thérapeute, Paule Salomon tente de répondre aux questions que chacun se pose : – le fait de vivre en couple est-il synonyme d’exclusivité sexuelle ? – l’amour est-il monogame ? – la jalousie est-elle un sentiment à dépasser ? – tout engagement est-il synonyme d’aliénation ?
Paule Salomon, philosophe et thérapeute, formée aux principales techniques de psychothérapie, enseigne le développement personnel selon une approche aussi libre que singulière qu’elle enrichit depuis plus de vingt ans de son expérience et de sa recherche spirituelle.
Pour elle la crise d’identité qui affecte hommes et femmes est le plus puissant levier de changement intérieur dont la société ait jamais disposé. Elle a publié aux éditions Albin Michel de nombreux ouvrages dont La femme solaire, La sainte folie du couple, La brûlante lumière de l’amour et Les hommes se transforment.
Extrait du livre
Le patriarcat a forgé dans le cerveau de l’homme cette conception que la femme fait partie de ses biens inaliénables. Le patriarche a le droit de vie et de mort sur les femmes de sa famille et la conception amoureuse traduit le même état d’esprit : « tu es à moi », « tu m’appartiens pour toujours », « je ne laisserai jamais un autre que moi te toucher ».
Notion d’exclusivité, de propriété privée. Peut-on longtemps désirer ce que l’on possède déjà ? C’est ainsi que l’apparternance de la femme à l’homme renforce le couple et la famille en tuant le désir. L’amour ne peut croître et se développer que dans la liberté, l’amour à partie liée avec le désir. Quand on comprend cela, on ne peut plus faire confiance au projet de former un couple clos par sécurité. Est-il pour autant possible de dépasser cette pulsion d’accaparement, d’enferment qui peut prendre bien des formes et se raffiner jusqu’à devenir quasi invisible ? La laisse est parfois très fine et très longue, mais elle n’en n’est pas moins là. Quelle dépendance se cache derrière des apparences de liberté ?
L’amour lui-même ne suscite pas par son exigence une peur panique ? Et pour éviter de le vivre ne s’enferme-t-on pas dans des réseaux d’obligation et de convention ? Qui j’aime ? Qui m’aime ? Est-ce que j’aime la vie ? Tout les plans se répondent parfois de manière bancale, le déficit de l’un entraînant la chute des autres.
Ne pas acheter l’autre, ne pas le retenir, par l’argent, la gentillesse, la renomée, la cruauté, le plaisir sexuel, ne pas l’addicter à soi, ne pas s’enfermer en lui. Le réseau des dépendances et des mensonges personnels est trop serré pour que l’on puisse s’assurer de non-appropriation de l’autre ; tout au plus pouvons nous suivre une courbe qui tend à exercer une hygiène des comportements pour progresser vers la liberté comme nous progressons vers la lumière.
L’une des solutions conciste peut-être à faire céder la barrière de la monogamie pour se confronter à la jalousie, à cette préférence irréductible que chacun a pour soi-même et qui nous empêche de pouvoir être heureux de ce qui rend l’autre heureux. Comment se fait-il que l’on puisse se sentir si misérable du simple fait que l’autre ait rencontré quelqu’un qui le rend vivant et joyeux ? Dépasser cette première couche réactive, c’est entendre chanter les anges.
La polyfidélité est éthique en ce sens qu’elle oblige l’être à dépasser ses misérables peurs de perdre. Il sufffit d’avoir passé une fois cette frontière égocentrique pour ne plus se sentir piégé par une jalousie venue des tripes. La fidélité plurielle n’est pas de la même nature que l’infidélité. Personne ne me trompe, ne me ment, ne me prend quoi que ce soit. Même en terme de sexualité le désir ne se déplace pas d’une personne sur une autre, il s’additionne et se démultiplie, il s’enrichit.
Beaucoup de gens sont infidèles par excès de monogamie ; ils ne peuvent tout simplement pas s’imaginer amoureux de deux personnes à la fois, c’est « ou », ce nest pas « et ». Le nouveau paradigme de civilisation consiste justement à remplacer une logique d’exclusion par une logique d’addition. Se quitter n’a plus de sens, d’autant moins si on a fait des enfants ensemble.