Complémentarité du tantra et des amours plurielles

S’il s’agit de deux choses totalement distinctes et indépendantes l’une de l’autre, le polyamour et le tantra sont néanmoins remarquablement complémentaires et se marient fort bien.

Dans une vision quelque peu spirituelle du polyamour, les belles rencontres (poly)amoureuses sont en effet une magnifique occasion d’évoluer, de progresser individuellement, ce qui est également le but du tantra.

Pratiquant le tantra depuis quelques années, j’ai envie de vous faire part de mon expérience.

Vous trouverez ci-dessous un texte de présentation du tantra, laissant apparaître de nombreux points communs avec le polyamour :

Des origines à aujourd’hui

Le tantra, né il y a environ 5.000 ans dans la vallée de l’Indus, est proche du bouddhisme mais s’en distingue principalement en ce qu’il donne une place majeure à la femme (vue comme initiatrice) et aux « valeurs féminines », ainsi que par le fait qu’il considère que le corps humain – en ce compris l’énergie sexuelle qui y circule – est également de nature spirituelle.

Tel qu’il s’est pratiqué et est encore pratiqué en Inde, le tantra est très éloigné de notre réalité occidentale et de notre sensibilité et n’est pas réellement transposable en tant que tel. En revanche, il existe un courant né dans les années 60 et 70, appelé néo tantra, qui a adapté et actualisé la vision tantrique de façon à ce qu’elle puisse être appréhendée par un occidental d’aujourd’hui.

Le néo tantra a pour but d’être applicable dans notre vie quotidien et moderne, considérant que si une voie nécessite de se retirer hors du monde (ermitage, monastère…), il ne s’agit que d’une abstraction intellectuelle sans valeur, incapable de se frotter au réel.

Le tantra n’est ni une religion, ni une philosophie, ni une métaphysique, ni un mode de pensée. Il s’agit d’une voie de réalisation de soi, un chemin de conscience, un art de vivre au quotidien. Le tantra ne s’étudie pas, ne s’aborde pas intellectuellement. Il ne s’agit pas non plus d’une croyance, en ce sens que le tantra n’invite pas à croire en de quelconques dogmes mais à faire soi-même l’expérience de toutes choses. Il faut vivre le tantra à l’intérieur de soi, l’expérimenter et le laisser vous transformer.

Le tantra n’est pas une voie totalisante exigeant d’être acceptée dans sa globalité ou de tout rejeter. Chacun peut y prendre ce qu’il souhaite. Il n’y a pas de règles obligatoires, de préceptes à suivre, de prêtre ou de gourou à qui il faut obéir. Le tantra ne décrète pas ce qui est bien ou mal, ne s’occupe pas de morale, d’éthique ou de religion.

Connexion à l’univers

Selon le tantra, tout est sacré, rien n’est profane. Il n’y a aucune dualité, de bon ou de mauvais. Le divin (ou les énergies de l’univers, peu importe comment on le nomme) est « caché » dans ce monde en toutes choses (et non dans un au-delà) et – surtout – en nous-mêmes.

Le but ultime du tantra est de prendre conscience de cette non-dualité, de sentir que nous ne faisons qu’un avec l’univers tout entier, qu’il n’y a plus de barrière entre nous et l’existence, et que nous sommes connectés avec toutes choses et tous êtres. Etre en harmonie avec soi équivaut alors à être en harmonie avec l’univers entier. C’est ce qu’on appelle communément l’éveil ou l’illumination.

Dès lors que tout est relié, il faut préalablement arriver à l’unité en nous-mêmes pour parvenir à cette « unité cosmique ».

Dissolution de l’égo

Alors que quasiment toutes les religions et courants philosophiques reprennent l’idée platonicienne de la dualité corps-âme et du corps vu comme « tombeau de l’âme », le tantra a cette spécificité unique de considérer le corps comme un temple, comme étant intrinsèquement spirituel.

En tantra, le corps n’est donc pas un obstacle à la spiritualité, ni même une voie d’accès à la spiritualité. Le corps EST spirituel. Cependant, le corps étant le plus souvent le réservoir de l’inconscient et du refoulé, il faut préalablement le nettoyer et le réhabiliter pour que notre âme souhaite s’y incarner, que notre corps devienne source de béatitude.

Pour que l’âme ait la possibilité de s’incarner dans le corps, il faut tout d’abord lui « faire de la place » en dissolvant l’égo. L’égo est l’ensemble des constructions mentales et des crispations émotionnelles refoulées qui ont façonné notre personnalité au gré de l’accumulation de nos expériences, de notre éducation, et qui constitue notre « masque social ».

L’égo est entre autre constitué par toutes les émotions et les sensations que nous n’avons pas été en mesure d’exprimer pleinement et qui ont été refoulées dans notre corps et notre inconscient. La dissolution de l’égo passe donc par la réexpression tout ce qui a été refoulé, qui n’a pas pu « sortir » et s’est cristallisé dans le corps.

Il est donc important de ne plus s’identifier à notre égo, en prenant conscience de la distinction entre ce « masque social » et notre réelle identité intérieure.

Dissoudre l’égo ne signifie pas le combattre et l’éradiquer mais le ramener à sa juste proportion, en unifiant toutes nos contradictions, à savoir nos pensées (mental), nos émotions/sentiments (cœur), nos sensations et nos instincts (sexe).

Il s’agit de relier toutes nos énergies, de recréer un véritable axe sexe-cœur-esprit. En tantra, cet axe est celui formé par les sept chakras principaux, étant des points de jonction de canaux d’énergie, qui doivent être correctement activés afin de permettre à nos énergies de circuler librement. C’est la liaison, l’alignement de toutes ces énergies – en apparence souvent contradictoires – qui apporte l’unité et l’état de paix.

La voie du milieu

Nos énergies ne peuvent circuler librement qu’à condition qu’aucune d’elles ne soit niée, refoulée ou considérée comme négative ou inférieure. A cet égard, le tantra englobe toute la vie et inclut toutes ses contradictions : rien n’est condamnable, tout est bon, tout est sacré. L’inférieur n’est pas moins valable que le supérieur, il est la fondation sans laquelle le supérieur ne pourrait exister. Ainsi, c’est l’obscurité qui donne son sens à la lumière et lui permet d’exister, et réciproquement. Ils sont les deux faces d’une même pièce.

Dans le tantra, il n’y a rien à ajouter ou à retrancher : tout l’art est dans la recherche du juste milieu. En se tenant – en conscience – exactement au milieu, nous englobons les deux extrêmes et le milieu, de façon à les transcender et à se situer au-delà des trois. A ce stade de non-dualité, tous les opposés deviennent complémentaires et les conflits se dissolvent dans l’unité.

Vivre l’instant présent

La reconnaissance de nos énergies vitales passe par l’écoute de notre corps et la conscience de ce qui s’y déroule. Or, dans notre société, le mental a largement pris le pas sur les autres pôles (émotions, sentiments, instincts…), dont nous sommes nettement moins à l’écoute.

Notre mental est constamment occupé à ressasser le passé ou à se projeter dans le futur, plutôt que de vivre le présent. Or, la connaissance et la compréhension ne sont possibles qu’en étant totalement présent, en vivant pleinement l’instant, l’expérience. Pour le tantra, il n’y a de véritable intelligence, il ne peut y avoir pleine compréhension qu’à partir du moment où il y a une parfaite d’harmonie entre les niveaux intellectuels et émotionnels.

Le tantra, qui est tout sauf cérébral, propose dès lors de nombreux exercices visant à stopper le fonctionnement ininterrompu de notre mental, vu comme un outil dont nous avons perdu le contrôle et qui tourne à vide.

Le tantra distingue à cet égard la connaissance du savoir. La connaissance est ce qui est totalement intégré – tant intellectuellement qu’émotionnellement – en l’ayant expérimenté soi-même. A l’inverse, le savoir est une connaissance de « seconde main », résultant de l’expérience d’autres. Ce savoir étant purement cérébral, il reste superficiel, n’ayant pas été intégré dans notre corps, ni n’ayant fait l’objet d’aucun ressenti au niveau des sentiments et des émotions.

Si le savoir a une utilité technique indéniable, son accumulation a pour conséquence de grossir l’égo et de nous empêcher de comprendre les expériences, car nous ne les voyons qu’à travers l’écran de notre égo, le filtre de nos souvenirs passés. Afin d’arriver à la connaissance, à la conscience, il faut aborder toute chose avec un esprit neuf, frais et innocent. Il est dès lors important de se libérer du passé d’instant en instant, de mourir à chaque expérience. Bref, de vivre dans l’instant présent et d’aborder toute chose avec une totale fraicheur.

Pour le tantra, la vie n’est pas un problème à élucider, à aborder intellectuellement, mais un mystère à vivre, à ressentir intuitivement. Plutôt que la compréhension intellectuelle, faussée par l’égo, le tantra insiste donc sur l’expérience individuelle et le ressenti.

La connaissance de soi

Le seul chemin pour dissoudre l’égo est la connaissance, la conscience de soi. Le tantra considère que chacun possède en lui une parcelle de divinité (le divin étant partout) et que c’est en soi-même que se trouvent les réponses, et non en faisant appel à “l’extérieur”, que ce soit par le biais d’un dieu, d’un gourou, d’un système politique…

Il appartient dès lors à chacun de découvrir en lui la vérité et d’agir en conformité avec elle, de façon à mener une vie vraie et de se réaliser de la manière la plus complète et la plus authentique possible.

Cela est subtil car la vérité de chacun est souvent comprise à travers le filtre de son égo, ce qui peut l’entraîner dans de fausses directions. Plutôt que de vérité relative et individuelle, il faudrait parler d’une vérité universelle, même si pour y parvenir chacun empruntera le chemin qui sonnera avec le plus de justesse pour lui. Une fois que l’on a trouvé cette vérité sacrée, on ne peut que vivre en conformité avec elle, c’est-à-dire en Amour avec l’univers et avec la vie.

L’art de la présence à soi

Pour accéder à la connaissance de soi, il faut commencer par se laisser traverser par les émotions et les sensations, s’autoriser à les vivre pleinement, puis s’observer soi-même avec le recul de l’observateur pour l’objet de son observation. C’est de cette expérience que naît la conscience de ce qui nous traverse (émotions, sentiments, pensées, pulsions…) et de qui nous sommes. La méditation peut être un outil précieux afin d’être en lien plus direct avec son corps et plus à l’écoute de ses émotions, de son intuitivité, de sa « petite voie intérieure ».

Le tantra apprend à faire toutes choses en conscience, à ne plus rien faire machinalement et à être totalement présent à ce que l’on fait, même durant les petites activités du quotidien comme manger, marcher… Les seuls vrais rituels dans le néo tantra consistent à honorer, à célébrer, à sacraliser la vie dans chacun de ses moments, même les plus quotidiens, de façon à leur donner beauté et intensité, à ne pas faire les choses mécaniquement.

Cela suppose de s’impliquer totalement dans ce que l’on fait. Ainsi, si l’on est en colère, il faut l’être pleinement, intensément, mais en conscience. La colère contient la compassion en germe. C’est en vivant totalement sa colère qu’elle se transformera en compassion.

Le tantra distingue à cet égard la spontanéité de l’impulsivité. La personne spontanée est celle qui agit en conscience, en adéquation avec elle-même, sans essayer de se conformer aux attentes de l’extérieur. A l’inverse, la personne impulsive n’est pas dans l’action mais dans la réaction et apporte une réponse généralement inappropriée et excessive car déconnectée de son ressenti intérieur.

Selon la « loi des polarités », la colère n’est que l’autre côté de la joie. Le chemin de conscience est d’être au centre des polarités et dualités, en paix. Pour accéder à cette voie médiane, il faut préalablement que les deux polarités soient reconnues et acceptées, ce qui implique pour la majorité des gens un travail préalable de réhabilitation de toutes leurs émotions, de tous leurs sentiments perçus comme négatifs (colère, tristesse, jalousie, peur…). Ainsi, on ne peut retrouver sa spontanéité que quand les instincts ont été réhabilités ; leur réhabilitation pouvant le cas échéant passer par une phase d’impulsivité.

Dès qu’une personne se connaît et agit en conscience, ses actes sonneront juste par rapport à elle-même et à l’univers.

Sexualité sacrée

Si notre corps est spirituel, il en va de même de l’énergie la plus vitale qui circule en nous, l’énergie sexuelle. La sexualité n’est donc pas le pôle opposé de la spiritualité mais est sacrée en elle-même, puisque faisant partie de nous. Il nous faut cependant parvenir à la vivre de façon sacrée.

Le tantra insiste sur le fait que si la sexualité n’est pas une fin en soi, il est en revanche néfaste de la réprimer ou de la nier dès lors qu’étant la pulsion de vie par excellence, se couper de sa sexualité équivaut à se couper de la vie. Dans cette idée de juste milieu, le tantra nous invite à nous situer au-delà de la permissivité et de la répression.

Cette spécificité a souvent desservi le tantra, réduit à sa dimension sexuelle, objet de tous les fantasmes. Pour ceux qui font une recherche internet avec les mots « massages tantriques », il faut garder l’esprit critique car la plupart des sites n’offrent en réalité que de simples massages érotiques ou de prostitution déguisée, mais pas l’expérience spirituelle qu’est un véritable massage tantrique. Le tantra ne se limite pas à des massages ou des techniques pour retenir son éjaculation. Cela n’est qu’un tout petit aspect du tantra qui est avant tout une voie spirituelle de réalisation de soi, touchant tous les aspects de la vie.

Bien plus que l’assouvissement d’un plaisir physique, le massage tantrique a pour but de connecter la personne massée à son énergie sexuelle et à la diffuser dans l’ensemble de son corps. Dans cette optique, l’énergie sexuelle permet de re-fluidifier tous les figements, tous les « espaces morts » inscrits dans notre corps et devenir une puissante énergie de guérison en facilitant la réexpression de ce qui était figé en nous. Le massage permet également à la personne massée d’apprendre la conscience d’elle-même, à travers une expérience d’ordre spirituel englobant sa dimension corporelle. A nouveau, cette conscience de soi n’est atteignable qu’en étant pleinement présent, en état de réceptivité et de lâcher-prise ; ce que le massage enseigne.

Appliqué aux relations sexuelles, le tantra privilégie la qualité de la connexion entre partenaires, que chacun reconnaisse en l’autre ce qu’il a de plus beau, de divin, afin de transcender l’acte purement charnel pour en faire une expérience spirituelle. Le tantra souligne qu’il ne peut y avoir de réelle connexion que s’il y a lâcher-prise et réceptivité, deux valeurs considérées comme « féminines ».

La voie de l’acceptation

L’homme fait partie intégrante du monde. Il n’est donc besoin d’aucune lutte entre lui et la réalité, puisqu’il en fait partie. S’accepter soi-même est la seule façon de ne créer aucune distance entre soi et le réel. L’acceptation de soi passe aussi par l’acceptation de ses émotions et de ses désirs. Au lieu de lutter contre ses énergies, il faut y pénétrer en pleine conscience, les vivre et les transcender (à ne pas confondre avec les refouler), ce qui permet de s’en libérer.

Être dans la non-acceptation de ce qui est inéluctable ne peut qu’être source de souffrances inutiles. La paix intérieure ne peut être atteinte qu’avec l’apprentissage du lâcher-prise, l’acceptation des choses de la vie sur lesquelles nous n’avons de toute façon pas de prise. Le tantra enseigne d’être fluide, de couler avec la vie, plutôt que contre elle.

Cela n’est pas synonyme de fatalisme ou de renonciation. Il faut au contraire faire de notre mieux pour créer le contexte le plus favorable possible à la réalisation de nos espérances mais, une fois ce contexte mis en place, lâcher le contrôle et accepter que ce qui survient par la suite est ce qui devait survenir. Cet état d’accueil à ce qui survient, permet de discerner ce qu’il y a de beau en chaque chose, en chaque évènement. En revanche, celui qui résiste à ce qui survient risque de ne pas avoir l’ouverture pour y découvrir le cadeau qui s’y cache.

L’acceptation totale de « ce qui est » n’est possible qu’en vivant le moment présent. Celui qui est tourné vers le passé ne pourra accepter l’impermanence des choses, le fait que la vie est en constant changement, et il voudra s’accrocher en vain à un état de chose qui n’existe déjà plus. Et s’il est tourné vers le futur, il ne pourra s’empêcher de faire des projections, d’avoir des attentes, qui seront invariablement déçues.

Cette acceptation passe par la compréhension que la vie n’offre aucune garantie, aucune certitude, et que c’est aussi là que réside sa beauté. En se délivrant de son attachement au « connu », l’homme se libère de ses peurs. L’acceptation est finalement un acte de confiance et d’amour en la vie, permettant que le moteur de nos actions ne soit plus la peur mais bien l’amour.

Une fois que l’homme aura pu résoudre ses contradictions internes et se libérer de son égo, l’amour et la compassion écloront naturellement en lui.

Bonne découverte à toutes et tous !

Bob

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2 Replies to “Complémentarité du tantra et des amours plurielles”

  1. Quel beau texte, clair et explicite, tant le tantra est difficile a définir pour un occidental. difficile à expliquer aussi, car quand on me pose la question “c’est quoi le tantra?” je dois chaque fois trouver mes mots, qui sont différent à chaque fois. Je suis masseur, et je pratique un forme de massage qui s’inspire largement du tantra. Je suis pleinement d’accord avec l’idée que le polyamour est certainement une des expression du tantrisme. Dans ma pratique, je donne énormément d’amour, c’est presque inévitable si je veux être juste. Et j’en reçois beaucoup. j’entre en relation, le temps d’un massage. voilà mon petit témoignage, j’espère qu’il profitera a d’autres…

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