Entre mots et silence

La croisée des Océans est un endroit rempli d’inconnus, de risques, de dangers, de pleurs.

Entre mots et silence, je navigue comme un cap hornier solitaire.

Les mers sont peuplées de sirènes attirantes autant qu’étranges.

Je ne me lasse pas d’être bercé par leur chant si doux, si suave.

Commandant cent peurs cent reproches, je n’ai que ma naïveté comme boules Quies, je n’ai que ma faiblesse comme résistance.

Peu pour moi alors l’envie de m’attacher au mat de mon vaisseau tel Ulysse;

Souvent, je plonge les retrouver et par-là m’exposer au risque de voir ma propre disparition survenir.

Masculin mais différent, j’ai grâce à cela été épargné de la noyade, que du contraire, les bras de certaines m’ont maintenu à la surface alors que l’épuisement d’un appétit féroce de chair m’emportait vers des fonds sans lumière.

De vagues en creux, bercé par les flots, roulé par les lames, grisé par les embruns, deux sonorités se détachent.

Diamétralement opposées, elles viennent me bercer et me cajoler sans relâche.

Aspiré par les courants de mon cœur, je nage vers chacune avec le reflux de mon âme à surmonter.

Je rejoins leur eau ; chaude, huileuse, odorante, calme, maternelle.

Je deviens leur Neptune, j’existe par leurs yeux, par leurs gestes et je me laisse même étourdir par leur corps.

Brun, blond. Sucré, salé. Généreux, fragile. Couvant, bouillant. Aventurier, timide.

Ce n’est que bonheur que de les étreindre, pour atteindre le plus profond de leur âme,

Et de leur donner par mon regard, mes gestes et même mon corps, la possibilité de s’épanouir réellement et de me les laisser les admirer comme jamais elles n’ont osé se montrer.

Tour à tour, je m’enroule dans ses mots autant que j’aime m’enfuir dans ses silences.

Chant des mots qui tombent comme autant de couperets sur ma peur de l’absence,

Chant du silence qui survient comme un abri sur ma route escarpée.

Chants des yeux, des baisers, des corps, des cœurs qui battent tels des percussions rituelles,

Chants de femmes qui n’ont de cesse que de m’inventer de nouvelles polyphonies.

Chants de sirènes qui, dans leurs yeux salés, me rendent tout l’amour que je leur porte.

Jour après jour, grains de sable après grain de sable, la vie a créé, bordée de deux mers, une île, peut-être paradisiaque mais surtout battue par les vents tempétueux de l’existence.

Une île pour le naufragé que je suis, heureux d’être enfin isolé de ce monde où il faisait si bon s’étourdir.

Une île, où malgré les écueils à franchir, elles viennent allonger sur leur plage leur silhouette de sirène pour languir sous la chaleur des rayons du soleil.

Je suis leur île, je suis leur soleil et comme lui sûrement, s’il était moi, je suis triste de savoir la nuit toujours derrière le jour.

Alors pour elles, je m’épuise avec bonheur à briller sans relâche.

Anonyme

14/04/04

à V. et V.

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