Le polyamour ou le choix assumé des amours multiples

Peut-on aimer plusieurs personnes à la fois ? Les polyamoureux le pensent, qui vivent des amours multiples mais sans mensonge ni culpabilité. A Bruxelles, des « cafés-poly » se tiennent chaque premier mercredi du mois.

« Couple ouvert à deux battants ». Ce titre de Dario Fo convient bien à des gens qui ont décidé de sortir du cadre, s’affichant désormais en « polyamour », un courant qui revendique des amours multiples et simultanées, sans mensonge ni culpabilité.

En Belgique, le polyamour est un petit groupe informel, amorcé par Philippe et Sofia, vingt ans d’expérience. Depuis un an, ils organisent des café-poly, chaque premier mercredi du mois à la Maison Arc-en ciel, un café associatif situé rue du Marché au Charbon, à Bruxelles. L’ambiance est conviviale avec une mixité de femmes et d’hommes, d’âges variés. Certains parlent musique, littérature, jardinage ou… parcours amoureux.

« Aimer deux personnes sans culpabiliser »

« C’est sympa de savoir qu’on n’est pas seul dans ce choix de vie » nous confie Mathilde, 36 ans, accompagnée de son mari. Mathilde, mariée à Bastien depuis dix ans, passe deux nuits par semaine avec son mari, une nuit avec un autre amoureux et parfois un troisième. Esprits tordus s’abstenir : ici le sexe pour le sexe n’est pas au cœur des choses. « Le “tu n’aimeras qu’un seul homme comme tu n’aimeras qu’un seul Dieu“ m’a toujours mis en colère, dit-elle. Je peux aimer deux personnes sans culpabiliser. Ce ne sont jamais des histoires d’un soir. Or ça choque plus de dire qu’on aime plusieurs personnes, que d’avouer avoir trompé son mari. C’est le monde à l’envers ! »

Loin de l’échangisme centré sur l’acte sexuel ou du libertinage qui évacue la fidélité, plus nuancé, le polyamour pose la question de la liberté du couple et de la réalisation de soi. Une seule personne du couple peut donc vivre une histoire d’amour parallèle sans besoin de « revanche » du compagnon. « Entre la théorie et le passage à l’acte, c’est dur, explique Bastien, le mari de Mathilde : les vieux démons resurgissent comme la peur d’être quitté, l’idée qu’elle “m’appartient“ et l’ego de “qu’est ce qu’il a de plus que moi ?!“. C’est le danger de tout couple même si dans le polyamour les risques sont accrus. Il faut faire le deuil du couple classique, accepter une certaine marginalisation. Si ma femme vit une belle histoire, cela ne doit pas créer un tsunami en moi. »

Tous l’affirment : le polyamour repose sur la solidité du couple, du respect, de la confiance en soi. Ceci n’est pas l’Eden, juste – peut être – une utopie réalisée par certains, issus entre autres de Mai 68. Et la vigilance est de mise pour évacuer la jalousie quand elle déboule. « Après 15 ans de polyamour, explique Sofia, je peux encore être jalouse, dans des moments moins épanouissants de ma vie amis si tout va bien, je peux passer une soirée devant la télé alors que mon mari est en extase avec une de ses amoureuses. ».

L’entourage comprend difficilement

En quittant les sentiers battus du couple monogame, les polyamoureux s’engagent dans un défi audacieux souvent mal jugé par les autres. « L’entourage, c’est l’enfer » lance Mathilde, dont le père machiste digère mal son mode de vie. Sofia (44 ans) cache son polyamour à sa famille trop catholique pour comprendre. Bastien, lui, a lancé la chose comme on lance un frisbee à ses parents monogames, qui acceptent avec difficulté. Et les enfants de polyamoureux ? « J’ai des enfants de 20 et 17 ans, raconte Sofia. On a fini par leur expliquer que, pour nous, on vivait dans une ouverture du couple et non une cassure mais que nous n’étions pas un “modèle“ de couple à imiter absolument. » Enfin, du côté des amis et des collègues, c’est la rengaine du « je ne sais pas comment tu fais, mais moi, je ne pourrais pas ! ». C’est ce qui « gonfle » les polyamoureux qui ne demandent pas qu’on les suive, juste qu’on accepte une autre idée du couple.

Comprendre sans juger tout en sachant que le polyamour n’est pas une nécessité pour tous. En attendant, ils sont excités à la rencontre de ce soir dans les locaux de Bruxelles Laïque avec l’auteure française Françoise Simpère, spécialiste du polyamour. Une soirée auberge espagnole, autour d’un débat au titre-programme : « Comment changer le monde si on ne change pas soi-même ? Signification sociale, religieuse et politique du couple monogame ».

Nurten Aka

Source: Lesoir.be

4 Replies to “Le polyamour ou le choix assumé des amours multiples”

  1. Article à lire mais surtout prendre le temps de lire tous les commentaires afin de repositionner tout le monde, les pro, les questionneurs, les “vade retro satanas”. La meilleure manière de tolérer l’autre est d’apprendre à le connaitre.

    Mes excuses à Mme Simpère d’avoir laissé croire en affichant mon manque d’intérêt à une éventuelle croisade pro poly que son action était actuellement inutile. A chacun son envie d’être porte-drapeau ou pas d’une manière de vie quelle qu’elle soit. Cela dit, par notre position non équivoque, par notre bonheur à vivre comme nous vivons, tous nous pouvons faire pour qu’être polyamoureux devienne une chose acceptable pour les non-poly et pour reléguer ainsi les grincheux, les “culpabilisateurs” au rayon des personnes dont l’intérêt est de décrier ou de juger plutôt que de comprendre ou de simplement accepter les différences.

  2. Pas besoin d’excuses, Simon, c’est juste une question de sémantique. Quand j’ai parlé de “mouvement pluriamoureux” vous avez imaginé une croisade, du militantisme et pourquoi pas? Une polypride. Je n’ai rien fait de tout cela depuis plus de 30 ans que je vis mes amours plurielles avec bonheur et parfois difficultés, comme tout le monde. En revanche j’ai témoigné dans mes livres et de nombreuses émissions. Sans prosélytisme, car je ne souhaite surtout pas présenter le pluriamour comme un modèle meilleur que la monogamie. Si je demande quelque chose, ce n’est pas que tout le monde approuve. C’est juste le droit de vivre comme on le souhaite, sans essuyer en permanence des commentaires acerbes ou graveleux. Et à force de témpoigner sans agressivité, à force de montrer que le pluriamour n’est pas “anormal” et n’exclut ni les enfants ni une vie de famille heureuse, cette idée a fait son chemin et est bien mieux acceptée aujourd’hui qu’il y a 20 ans. C’est déjà un changement social ou au moins une belle évolution…

    Quand je parle de changement de société lié au polyamour, c’est tout simplement, comme je l’ai dit à cette soirée, que de même que la morale dominante influe sur notre vie privée, notre façon de vivre, en retour, influe sur les valeurs dominantes. Les pluriamoureux sont marginaux en ce moment car les valeurs qu’ils vivent: non appropriation de l’autre, égalité homme/femme, partage, écoute, respect des “hauts et des bas” d’une relation, refus du zapping amoureux… sont à l’opposé des valeurs de la société actuelle qui prône la domination, le sexisme, l’appropriation et le zapping. Quand nous serons assez nombreux à vivre nos valeurs et que les autres verront qu’elles apportent plus de bonheur et de sérénité que les valeurs de la société actuelle, cela induira forcément une évolution de la société. Ce n’est pas du militantisme, c’est de l’imprégnation, naturelle et sans se forcer. Bien au contraire!

  3. Quand on connaît la beauté de la relation du couple interviewé dans l’article, les commentaires à l’emporte-pièce sur le site du Soir font mal et montrent le chemin encore à parcourir dans les esprits.

    La méconnaissance de l’autre est bien le problème. Montrer sans agressivité, provocation ou outrance l’exemple de polyamoureux et de leur famille sereins, heureux et épanouis, est sans doute la meilleure réponse à y apporter.

    En cela, la percolation du message de Françoise Simpère est salutaire.

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