Miche BREL : “Je savais depuis le début qu’il était comme ça.”

24 Septembre 2003, Télémoustique – EXTRAITS :

Il m’avait dit qu’il ne divorcerait jamais, sauf si je le lui demandais. « Si tu rencontres l’homme de ta vie, autre que moi… » Je ne l’ai jamais demandé. Essayez, vous, de remplacer Brel.

D’un autre côté, sa dimension ne vous a-t-elle pas écrasée ?

M.B. – Non, pas du tout. Il m’a entraînée dans une vie extraordinaire. Il m’a solidement secouée. Parfois, je lui disais : « Tu ne rentres quand même pas souvent. » Il répondait : « Epouse un pharmacien, il sera là tous les soirs, mais au bout de huit jours, tu en auras marre. » Il avait raison.

En 2003, a l’occasion du 25e anniversaire de la disparition de Brel, Miche accordait une interview à Jean-Luc Gambier, dans laquelle elle abordait ses rapports avec son mari dont elle ne divorcera jamais.

Miche Brel fut l’éditrice de son mari dès 1962. “Quand j’ai voulu retravailler, Jacques ma dit : “Tu seras mon éditeur. Tu n’y connais rien, les autres non plus.” C’était tout le personnage.” Dans les années 80, avec sa fille France, elle a aussi créé la Fondation Brel…

Brel reprochait à notre pays sa prudence et son étroitesse d’esprit.

Miche Brel. – Mais qui aime bien châtie bien. Au début de notre mariage, nous vivions a Bruxelles. Quand il est parti a Paris en 53, soit j’allais le rejoindre, soit il revenait. En 55, on s’est installés a Montreuil. Mais on était horriblement mal logés et une grande ville quand on est seule, c’est pire que le Sahara.

Quand notre fille aînée a eu l’âge d’entrer a l’école primaire en 58, on a décidé ensemble que Bruxelles, avec la famille et les amis serait un meilleur point fixe que Paris. On a pris un appartement a Bruxelles, puis une maison et lui, un studio a Paris. Mais il adorait rentrer et prenait partout l’accent bruxellois.

Le laisser tenter sa chance dans la chanson, accepter de vivre séparés, ce sont des décisions peu évidentes, surtout dans les années 50 ?

M.B. – Quand nous nous sommes mariés, il travaillait a l’usine de son père et en était très malheureux. Je savais déjà qu’il cherchait autre chose. Il était très remuant. Des gens à Bruxelles lui ont fait faire un disque : La Foire/II y a. Mais a Bruxelles, il n’y avait pas moyen d’en vivre. Il devait aller à Paris, jetais d’accord.

On a l’impression qu’un feu le dévorait ?

M.B. – Il était toujours en partance vers autre chose. Quand il abandonne ses chansons, il est déjà lancé dans ses tours de pilotage. Son ami Jojo a dû apprend à piloter, puis moi. Plus tard, il a même envisagé de devenir pilote commercial dans un trou perdu d’Afrique.

Quand il a fait du cinéma, il a tout de suite pensé a faire ses films. Il a accepté de faire L’Aventure, c’est l’aventure de Claude Lelouch en promettant d’être obéissant et à l’heure. Mais il voulait pouvoir fouiner partout pour apprendre la réalisation.

Refaire le monde en buvant entre copains, c’est un mode de vie qui est apparu quand vous vous êtes éloignée ?

M.B. – Déjà a la Franche Cordée, il adorait l’idée de groupe. Au début de notre mariage, tous les dimanches, la maison était envahie par une quinzaine de personnes et ça bougeait, ça discutait.

Quand il affirme qu’il ne voudrait pas de femme à son dernier repas, que les femmes ne sont pas à la hauteur de l’amour, ce sont des phrases qui, même a distance, ont dû vous blesser ?

M.B. – Non, je le connaissais. Je savais depuis le début qu’il était comme ça. L’amitié était sa grande affaire. D’ailleurs, la disparition de son grand ami Jojo, c’est pour moi le démarrage de son cancer. Il l’a appris aux Canaries et m’a téléphoné toute la nuit. C’était la fin du monde. En revanche, il disait, même à moi, ne pas comprendre les réactions et le fonctionnement des femmes.

Il était maladroit avec elles. Il détestait faire du chagrin. Une femme qui pleure, ça lui était insupportable et il en devenait lâche. Mais avec moi, il a été d’une honnêteté infinie. J’ai toujours tout su. On a trouvé une façon de vivre à nous et on ne s’est jamais disputés. Jusque la fin de ses jours, ce contact a été maintenu.

Il m’avait dit qu’il ne divorcerait jamais, sauf si je le lui demandais. « Si tu rencontres l’homme de ta vie, autre que moi… » Je ne l’ai jamais demandé. Essayez, vous, de remplacer Brel.

D’un autre côté, sa dimension ne vous a-t-elle pas écrasée ?

M.B. – Non, pas du tout. Il m’a entraînée dans une vie extraordinaire. Il m’a solidement secouée. Parfois, je lui disais : « Tu ne rentres quand même pas souvent. » Il répondait : « Epouse un pharmacien, il sera là tous les soirs, mais au bout de huit jours, tu en auras marre. » Il avait raison.

C’est aux Marquises que, pour la première fois, il semble tenir sa famille a distance ?

M.B. – Il y avait des kilomètres, c’est sûr. Il écrivait, mais téléphonait moins. Il voulait être au bout du monde… Il a eu sa première crise le lendemain de l’enterrement de Jojo. On a cru à une attaque cardiaque à Ténériffe.

Il est allé se faire examiner a Genève, là où il passait ses examens de pilote. Il avait une tache au poumon. Il a voulu qu’on me prévienne immédiatement et il est rentré se faire opérer de la tumeur a Bruxelles.

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