Que ta solitude soit accueillante aux tendresses

Texte paru en 1998 dans la revue Et ta sœur

Je tends à quitter toutes relations fusionnelles ; me sentir « célibataire », tout en étant capable de tendresse, de sincérité, de douceur, de sexualités. Je tends à être plus sujette dans mes amitiés et amitiés sexuelles.

Je me rends compte que mes idées, mes constructions affectives sont en décalage avec les représentations courantes de l’Amour et de l’amitié. En particulier, cette séparation-opposition entre l’Amour et l’amitié, qui contribue à préserver le modèle dominant du couple marié-fermé.

Je constate souvent qu’il suffit d’embrasser quelqu’un-e avec la langue, ou que deux personnes aient une/des relations sexuelles ensemble pour qu’elles « sortent ensemble », créent une sorte de dépendance mutuelle, un regard plus ou moins permanent et oppresseur sur l’autre (une surveillance) et cela est valorisé socialement. Dire (ou signifier de quelconque manière) « je suis amoureuse », « je t’aime », « j’ai un copain » est assez gratifiant. La possession, la jalousie sont encouragées, l’indépendance, l’autonomie ne le sont pas.

Je me sens décalée ; je ne sors avec personne, j’ai des ami-e-s, plus ou moins estimé-e-s, qui m’apportent plus ou moins, à qui j’ai envie d’apporter plus ou moins. Parce que je les estime, et quand je suis heureuse de la relation amicale que je développe avec elles/eux, j’ai envie de leur signifier avec mes signes d’affection et de satisfactions : un massage, un bisou, un baiser, une longue embrassade, un câlin, des caresses, un sourire, dormir dans leur chaleur, ou encore avoir des relations sensuelles ou sexuelles avec elles/eux.

Il s’agit d’échanges tendres et multiples pour dire que je les apprécie, et non mettre en place une relation de couple ou des relations de couples plus ou moins ambiguës.

J’essaye d’être relativement autonome, tout en échangeant le plaisir des corps, sans possessivité, sans une mainmise oppressante sur l’autre.

Etre célibataire ne signifie pas ne toucher personne ; avoir des relations sexuelles avec quelqu’un-e ne signifie pas dépendance et amour fusionnel.

Au jour d’aujourd’hui, j’embrasse parfois certain-e-s de mes ami-e-s et ma maman sur la bouche, un tel, une telle ont parfois des relations sensuelles et sexuelles avec moi, je dors parfois dans la chaleur de certain-e-s autres, je serre très fort et sensuellement dans mes bras d’autres encore, il m’est arrivé de faire l’amour avec une amie et d’embrasser son ami dans le même temps, et demain je ne sais, peut-être seule…

Je désire beaucoup de mes ami-e-s, avec ceux et celles qui partagent ces idées nous nous laissons beaucoup de liberté – de possibilités – et nous savons qu’il y a cette tendresse.

En dissociant sexualités et propriété exclusive, je veux rompre avec les relations de mépris, de violences physiques, d’autorité, et aussi avec l’habitude de raisonner en fonction de l’autre.

L’Amour dans le patriarcat profite à l’oppression des femmes (cf. le résumé de l’idée moderne d’amour). L’amitié me semble un peu plus rationnelle et objective que les relations dites « amoureuses ». C’est pour cela que je pense que ces réflexions s’inscrivent dans une démarche politique, féministe de ma part. Et même si on peut me reprocher ce choix, même s’il est difficile de construire des relations positives hors des normes aliénantes de l’Amour, même si l’incompréhension de quelques proches me fait douleur, je bâtis ma force et ma joie, libérée de l’attente folle et bourelle de le/la prince-sse charmant-e.

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