Un chemin de découvertes…

Par Isabelle

J’ai rencontré « l’homme de ma vie » à dix-neuf ans. Vous savez, le prince charmant, celui que l’on surinvestit affectivement pour qu’il soit tout à lui tout seul. Je me suis vite rendue compte que, au-delà des serments de fidélité, j’étais loin d’être tout pour lui. Les mots posés sur ce ressenti n’ont rencontré que dénégation, voire moquerie.. « Qu’est-ce donc que tu imagines ? »

Il y avait ma volonté que ce couple réussisse mieux que celui de mes parents, l’envie d’aller au-delà des obstacles, de se rencontrer vraiment, de parler, de construire la relation dans le passage du temps qui nous révèle à nous-mêmes, dans l’amour, la redécouverte jour après jour de nos identités en mouvement. Parallèlement, ce que je devinais de ses infidélités, et ce que je projetais, nous éloignait l’un de l’autre. Je me voulais dans la loyauté, fidèle à nos promesses, quoiqu’il arrive.

« Tromper son conjoint »…cette expression a pris tout son sens : il ne s’agissait pas tant pour moi du fait qu’il ait des relations avec d’autres femmes, même si cela me blessait terriblement, non , il s’agissait du mensonge autour de cela. C’était insupportable de sentir, de savoir au fond de moi et de me trouver toujours face à ce mur, ce silence ou ces sarcasmes qui niaient complètement ce que je ressentais au fond de moi, qui ne donnait aucune chance à une porte de s’entrouvrir. Les mots de la vérité ne circulaient pas et c’est sans doute la blessure la plus importante.

J’ai connu des émois pour d’autres hommes, que j’ai étouffés puisqu’il était dit que nous serions fidèles l’un à l’autre..Loyauté.. Fidèles à quoi ? A une image extérieure ? A des conventions sociales ? Pas à nous-mêmes en tout cas, pas à la personne en devenir qui expérimente, réfléchit, met en lien, acte ses choix de vie..

Lorsque la dernière maîtresse de mon mari a pris contact avec moi, merveilleuse rencontre de femme à femme, dans le soulagement de la vérité enfin dite, j’ai enfin pu ouvrir définitivement les yeux sur ce que je n’étais pas certaine de vouloir voir et nous avons divorcé à ma demande.

Beaucoup de questionnements sur ce qu’est l’amour, j’étais incapable de le « définir », sur la liberté de se réaliser au sein d’un couple, de suivre son chemin d’évolution sans se faire étouffer par une relation amoureuse de dépendance.

J’ai alors rencontré un homme, déjà dans une relation amoureuse avec une compagne, un enfant. Il s’est déclaré polyamoureux, a posé des mots clairs et j’ai accepté ce mode relationnel. J’ai aimé qu’il n’y ait pas de faux semblants. J’ai aimé l’ouverture de coeur que ce chemin sous-entendait. J’ai aimé la liberté que cela m’apportait. J’ai aimé la façon dont cette relation ,dans cette couleur là, me ramenait à moi-même : apprendre à vivre avec lui les moments de rencontre, dans le lâcher prise, en restant centrée sur mes projets de vie, en allant mon chemin en indépendance affective.

Pour autant, tout n’allait pas tout seul.. Les pincements des anciens schémas m’ont chipotée, ainsi que sa compagne. Ses nouvelles rencontres ont réveillé des vieilles peurs, celle de l’abandon, celle de ne pas être à la hauteur.Nous nous voyions à l’époque un jour semaine. Son couple connaissait des difficultés, je cherchais ma place..

J’ai rencontré un autre homme et connu cette douceur d’aimer poly. Les parents répètent à l’envi à leurs enfants qu’ils ont tellement d’amour en eux qu’ils peuvent avoir plusieurs enfants et les aimer aussi totalement les uns que les autres. C’est exactement la même chose avec des amis …ou des amoureux. C’est aussi simple que cela, aussi nourrissant, aussi grandissant. J’ai vécu cette double relation en étant merveilleusement connectée à chacun de ces hommes, en vivant avec chacun d’entre eux ce que nous avions à vivre. En émerveillement de cette amplitude de coeur, belle , somptueuse, qui fait toucher à quelque chose d’essentiel dans la dimension de l’Amour.

Entretemps, mon bienaimé et sa compagne se sont séparés, elle souffrait trop. Et l’homme qui avait accepté mon polyamour dans l’espoir que ce ne serait qu’une passe (j’étais moi-même en recherche et sans doute pas claire ni avec moi ni avec lui) m’a demandé de choisir entre eux deux. J’ai choisi la liberté d’être en relation avec moi-même. J’ai laissé derrière moi la certitude d’un couple classique, dans des schémas classiques pour aller vers le nouveau, en compagnie de cet homme qui a eu le courage de s’affirmer comme il était et le courage de vivre les conséquences de son choix.

J’ai aussi appris l’importance vitale de faire le ménage en soi pour ne pas entraîner la personne aimée dans des leurres blessants.

Tout au long de ces vingt années de mariage, j’avais croisé diverses expériences qui m’avaient parlé : la vie en communauté, les couples ouverts, les structures familiales à géométrie variable dans d’autres cultures, la sexualité tantrique.. Tout cela , en interaction avec mon vécu de « femme trompée », a contribué à me faire entrevoir d’autres possibilités de vie qui ont trouvé leur concrétisation dans un polyamour qui nous est personnel, je veux dire par là qu’il y a certainement autant de modes qu’il y a de polyamoureux. A chacun de choisir ce qui lui est juste, de construire la/les relations en étroite connivence, en communication vraie, franche, en étant attentif à ce qui travaille à l’intérieur de soi, en prenant conscience de ce qui se passe réellement, dans un respect, une acceptation de soi, de l’autre, de nos limites, de nos ouvertures, de nos doutes, de nos élans.

Le polyamour, pour moi ,n’est pas un jeu léger. C’est un chemin de découvertes, de douleur quand les vieux démons se réveillent, ces vieilles blessures récurrentes qui tordent les tripes. Mais c’est aussi et surtout le bonheur de la rencontre avec l’autre, la découverte de personnalités enrichissantes dans une couleur amoureuse belle et bruissante.

Revenir à un mode monoamoureux est une possibilité que j’effleure quand sont réveillées les morsures intérieures…mais jamais longtemps. Je sais trop l’oxygène que le polyamour apporte à mes relations, cette richesse des amours plurielles, cette confiance partagée, ces mots vivants échangés, cette façon de prendre la vie en lui donnant sa vraie dimension qui est celle de l’Amour.

Isabelle

L’illustration est un fragment d’une peinture de > laluciole©live.be

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